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MILTON.

attendrit l’admiration : sa vieillesse, son indigence et sa cécité. Homère, comme lui aveugle, était conduit de porte en porte, pour chanter ses vers, par un enfant loué au prix de quelques oboles, pour le guider dans les rudes sentiers de l’île de Chio.

Les enfants qui conduisaient Milton sur les collines de Londres étaient ses propres filles, nées de ses amours avec sa première femme, toujours regrettée.

La tendresse filiale et la reconnaissance paternelle ajoutent ainsi une tendresse et une moralité de plus la la vieillesse, à la misère, à l’infirmité du poëte anglais.

Les meilleurs portraits de Milton le représentent ainsi : assis au pied d’un chêne, au coucher du soleil, le visage tourné vers ses rayons, dictant ses vers à sa bien-aimée Déborah, attentive à la voix de son père, tandis que sa femme, Élisabeth, le regarde comme Ève regardait son époux après la faute et le châtiment. Ses deux plus jeunes filles lui cueillent des fleurs des prés pour lui faire respirer quelques odeurs de l’Éden qui viennent de parfumer ses songes.

On pense involontairement à ce que deviendront cette épouse et ces jeunes filles, après la mort de ce beau et auguste vieillard, et le poëte, ainsi reproduit, est plus pathétique que le poëme.

Heureux les hommes qui ont ainsi une larme sur leur gloire ! Cette gloire alors descend jusqu’au cœur, et c’est dans ce cœur seul que le poëte est véritablement immortel.