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NELSON.

dait de panser leurs blessures et d’enterrer leurs morts, il s’endormit au pied d’un arbre ; un serpent énorme se glissa sous son manteau pendant son sommeil, s’enroula à sa jambe et le piqua au pied. Les contre-poisons indiqués par les Indiens et la vigueur de sa nature le sauvèrent, mais laissèrent dans sa constitution de longs symptômes du venin mortel ; Ramené mourant en Europe par l’amiral Cornwallis, qui eut pour lui tous les soins d’un père plutôt que d’un chef, il alla se rétablir pendant quelques mois à la campagne, dans ce foyer de son père et de ses frères, que sa réputation naissante commençait à éclairer. Il reçut, à son retour à Londres, le commandement d’un brick de vingt-six canons, pour croiser pendant l’hiver dans la mer du Nord, et pour étudier les côtes du Danemark. Ce fut pendant cette rude croisière qu’il entrevit la possibilité d’un des exploits les plus téméraires et les plus sinistres de sa vie : l’incendie de Copenhague.

Au printemps, le brick l’Albermale, commandé par Nelson, reçut ordre de retourner en Amérique. En approchant des côtes du Canada, Nelson fut poursuivi et entour épar quatre frégates françaises, dont il allait être la proie ; mais, préférant la perte de son vaisseau à l’humiliation de se rendre, il lança son brick a pleines voiles sur des bas-fonds, où la mer mugissante menaçait de l’échouer à chaque vague. Son adresse et son bonheur lui firent franchir cette barre que des frégates ne pouvaient approcher.

Il passa quelques mois à. Québec. Épris d’une ardente passion pour une belle Canadienne d’une classe inférieure à son rang, il n’hésita pas à sacrifier son ambition à son amour, et à quitter le service, pour épouser celle qu’il aimait, au moment où l’escadre faisait voile pour l’Europe. Ses officiers, inquiets de son délire, descendirent à terre pour l’arracher à son idole, et lui firent violence pour le rapporter à son bord. On pressentit dès cette époque que