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NELSON.

sion. Ses tristesse s allaient jusqu’à la pensée du suicide.

« Un soir, dit-il lui-même, je contemplai, du haut du bord, la mer comme une tombe hospitalière, et je fus près d’y chercher l’éternel repos : car je n’apercevais en moi et autour de moi aucune chance d’atteindre un jour l’objet vague et inaccessible de mon ambition, la gloire. Heureusement, la Providence présentant à mon esprit l’image et la voix de mon père, de mes frères, de mes sœurs, une illumination soudaine m’éblouit et m’arrêta ; je pensai que je me devais à ma patrie et à mon roi, et qu’ils se chargeraient, si j’en étais digne, de ma fortune et de ma mémoire. Je renonçai à cette mort des faibles, inutile à tous et à nous-mêmes. « Eh bien, me dis-je, mort pour mort, je choisis celle qui sera illustre et utile à mon pays ; je serai un héros, et je braverai tous les dangers, puisqu’au fond de tous les dangers je ne trouverai que la mort avec la gloire et la vertu de plus. » De ce moment, ajoute-t-il, je me sentis calme, raffermi, consolé, et j’eus comme une révélation surnaturelle de la destinée qui m’attendait ! »

On le ramena en Angleterre pour rétablir ses forces. Après un examen brillamment subi, il fut élevé au rang de second lieutenant de la marine royale. Il fit la guerre de croisière et de corsaire, dans les mers d’Amérique, contre les Américains indépendants. Il défendit l’île de la Jamaïque contre la flotte et les débarquements de l’amiral français le comte d’Estaing. Il fit partie des expéditions envoyées par les Anglais pour s’emparer de l’Amérique espagnole. Il joua sa vie en aventurier qui cherche la gloire ou la mort, à la tête de plusieurs corps peu nombreux de débarquement qui tentaient l’assaut des forts ou des villes de la côte.

Bivouaquant un jour au milieu des forêts du Pérou, pour donner le temps à la poignée d’hommes qu’il comman-