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MADAME DE SÉVIGNÉ
ANNÉE 1626 DE J.-C.

La gloire à ses hasards, ou plutôt elle à ses mystères ; car il y a raison à tout ; nous appelons mal à propos mystère cette logique secrète des choses humaines, que notre irréflexion n’a pas assez approfondie, et dont nous attribuons les effets au hasard, au lieu de les attribuer à leur véritable cause.

Disons d’abord quel est ce hasard qui nous frappe l’esprit au seul nom de madame de Sévigné ; nous chercherons ensuite si la gloire de ce nom est bien en effet un hasard et nous expliquerons le mystère de cette immortalité d’un commérage devenu un des plus grands vestiges d’un des plus grands siècles.

Le hasard, le voici :

Une femme obscure, une pauvre veuve mère de deux jeunes enfants, sans importance personnelle dans la nation, sans rang à la cour, sans nom qui attire d’avance sur elle l’attention de son pays, sans le prestige des dignités qu’elle aurait héritées d’un père ou d’un mari, sans haute fortune, sans grande parenté parmi ceux qui remuent les affaires de son temps, sans faveur et même sans distinction du roi qui règne, cachée tantôt dans une rue d’un quartier subalterne de Paris, tantôt dans les allées d’une métairie de