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MADAME DE SÉVIGNÉ.

leurs lucarnes la paille et le foin de la dernière récolte. Des batteurs en grange faisaient entendre le bruit cadencé de leurs fléaux dans la grande salle des gardes. On voyait que le château était devenu une ferme ; mais, par une vicissitude assez ordinaire à ces édifices des siècles passés, trop vastes pour leur possesseur actuel, la ferme était devenue château.

A quelques centaines de pas de l’édifice principal, une maisonnette, adossée a des écuries et à des granges, semblable à un cottage anglais des bois de Richmond ou de Windsor, éclatait de jeunesse, de propreté, d’élégance, au milieu d’une pelouse enceinte de barrières peintes à l’huile et entrelacées de roses tardives et de jasmins odorants. Les fenêtres a grandes vitres de cristal éblouissaient les yeux de la réverbération des derniers rayons du jour ; la fumée imperceptible de bois sec en sortait de plusieurs cheminées en fonte, comme pour inviter les hôtes ; des palefreniers en vestes jaunes y promenaient des chevaux sellés sur des allées de sable devant la porte ; des maîtres ou des visiteurs apparaissaient et disparaissaient sur le seuil ; tout y annonçait la vie, le mouvement, l’opulence d’un foyer d’automne habité par une famille hospitalière.

J’ignorais tout, le château, la ferme, le cottage, les maîtres anciens, les maîtres nouveaux, et jusqu’au nom de la vallée où la voix des meutes sur la piste du chevreuil m’avait emporté.

Pendant que je contemplais, immobile, cette contrée inconnue et cette ruine sans nom pour moi, j’entendis galoper un cheval sur ma trace, et je fus rejoint par un de mes amis compagnons de chasse, M. de Capmas. Il habitait depuis plusieurs années la petite ville de Semur, capitale pittoresque de ces forêts, de ces rochers et de ces torrents. Homme déjà mûr, mais toujours jeune, que sa passion