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MILTON.

nation, devint le Machabée de Milton. Le poëte s’attacha à la fortune du protecteur, comme à la fortune de son pays et de ses idées. Il vit en lui le champion du peuple, le vainqueur des rois, un nouveau juge d’Israël, ainsi qu’il le dit lui-même dans ses écrits politiques du moment. Cromwell était l’épée, Milton voulut être la parole de l’indépendance. Cromwell, qui parlait beaucoup, mais qui parlait mal et qui n’avait ni le temps ni le loisir d’écrire, accueillit avec empressement ce talent viril, éloquent et imagé, que Milton mettait à son service. Ce n’était pas tout pour le vieux soldat de triompher sur les champs de bataille d’Écosse ou d’Irlande : il lui fallait triompher de l’opinion. Les royalistes, les catholiques, les partisans de l’Église réformée lui faisaient une guerre de pamphlets qui troublait ses nuits et qui menaçait sa puissance. Il chargea Milton de répondre à ces arguments ou à ces invectives. Il le rapprocha de lui en lui donnant le titre de son secrétaire et en lui confiant la rédaction des actes du gouvernement. Le gouvernement était dans la tête du protecteur. Ce confident du cabinet de Cromwell était en réalité le ministre du protectorat. Son nom devint une puissance, sa fortune s’accrut à la hauteur de ses fonctions. Ses frères vinrent habiter avec lui une maison opulente à Londres.

Il épousa à trente-cinq ans Marie Powell, de race et d’opinion royalistes. Les dissentiments politiques empoisonnèrent l’amour même dans le cœur des jeunes époux. Marie Powell, après quelques mois de mariage, rougit d’aimer un républicain qui prêtait sa plume à l’ennemi du roi de ses pères. Sous prétexte d’aller rendre visite à sa famille, elle quitta la maison conjugale et refusa d’y rentrer. Milton, offensé de cet abandon, écrivit une dissertation sur le divorce.

« Ce n’est pas Dieu, dit-il, qui a défendu le divorce, c’est le prêtre. L’amour et la concorde sont le but du