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MILTON.

Léonore pour cet autre Tasse. L’amour seul donne le secret de ce qui paraît inexplicable dans la vie des hommes et surtout des poëtes.

Comment cet amour fut-il dénoué ? C’est le mystère de cette période de la vie de Milton.

A son retour en Angleterre, il trouva le parlement en guerre avec le roi, les armes dans toutes les mains, le feu des controverses religieuses et politiques dans toutes les âmes. Il réfléchit trois ans dans la solitude sans paraître pencher ni vers les royalistes ni vers les puritains, uniquement absorbé dans les études préparatoires de son poème futur, déjà. conçu dans ses voyages.

« J’adresserai un jour à la postérité, dit-il à cette époque dans une lettre confidentielle, quelque chose qui ne laissera pas mourir mon nom, au moins dans mon île natale ! » Ainsi tous les grands hommes ont de bonne heure un sentiment anticipé de leur gloire future, que le vulgaire prend pour de l’orgueil, et qui n’est que la conscience sourde de leur génie.

Ces trois ans écoulés, Milton ajourna son poème à des temps plus littéraires, si jamais ces temps devaient revenir, et il prit parti pour la liberté. Il y avait assez longtemps que les poëtes suivaient les princes ; il fut tenté par la gloire d’être dans son pays le premier poëte de Dieu et du peuple.

Mais ni le peuple ni les puritains n’avaient d’oreilles pour les vers. Il se jeta dans la mêlée, armé de harangues, de controverses, de pamphlets, ces armes quotidiennes du peuple en révolution. Son talent, transformé, mais non avili, répandit bientôt son nom dans la foule. On y sentait l’accent mâle et républicain de la vieille Rome, vibrant dans l’âme d’un puritain breton.

Cromwell, qui personnifiait alors en lui le peuple, l’armée, le zèle la foi, l’orgueil de la race, le droit de la