Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 38.djvu/12

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» Je me suis dit dès l’âge de raison politique, c’est-à-dire dès l’âge où nous nous faisons à nous-mêmes nos opinions après avoir balbutié, en enfants, les opinions ou les préjugés de nos nourrices : Qu’est-ce donc que la Révolution française ?

» La Révolution française est-elle, comme le disent les adorateurs du passé, une grande sédition du peuple, qui s’agite pour rien, et qui brise, dans ses convulsions insensées, son Église, sa monarchie, ses castes, ses institutions, sa nationalité, et déchire la carte même de l’Europe ? Mais, à ce titre, la révolution opérée par le christianisme quand il se leva sur le monde ne serait donc qu’une grande sédition aussi ; car il n’a pas produit, pour se faire place, une plus grande commotion dans le monde ! Non ! la Révolution n’a pas été une misérable sédítion de la France ; car une sédition s’apaise comme elle se soulève, et ne laisse après elle que des ruines et des cadavres. La Révolution a laissé des échafauds et des ruines, il est vrai, c'est son remords et son malheur ; mais elle a laissé une doctrine, elle a laissé un esprit qui durera et qui se perpétuera autant que vivra la raison humaine. (Bravos prolongés.)

» Je me suis dit encore : La Révolution, comme le prétendent les soi-disant politiques du fait, n’a-t-elle été que le résultat d’un embarras de finances dans le trésor public, embarras que les résistances d’une cour avide ont empêché M. Necker de pallier, et sous lequel s’est écroulée, dans le gouffre d’un petit déficit d’impôts, une monarchie de quatorze siècles ? Quoi ! c’est pour un misérable déficit de cinquante à soixante millions dans un empire aussi riche que la France, que la monarchie a été détruite, que la féodalité a été déracinée, que l’Église a été dépossé-