dée, que l’aristocratie a été nivelée, que la France a dépensé
des milliards de son capital et des millions de vies de
ses enfants ! Quelle cause pour un pareil effet ! et quelle
proportion entre l’effet et la cause ! et quelle petitesse les
calomniateurs d’un des plus immenses événements de
l’histoire moderne attribuent au principe de la Révolution,
afin d’atténuer la grandeur et l’importance de l’événement
par l'insignifiance et la vileté du motif ! Laissons cette puérilité
aux hommes de finances qui, accoutumés à tout
chiffrer dans leurs calculs, ont voulu aussi chiffrer la chute
d’un vieux monde et la naissance d’un monde nouveau.
(On applaudit.)
» Enfin je me suis dit : La Révolution française est-elle un accès de frénésie d’un peuple ne comprenant pas lui-même ce qu’il veut, ce qu’il cherche, ce qu’il poursuit par delà les démolitions et les flots de sang qu’il traverse pour arriver par la lassitude au même point d’où il est parti ? Mais cinquante ans ont passé depuis le jour où ce prétendu accès de démence a saisi une nation tout entière, roi, cour, noblesse, clergé, peuple. Les générations, abrégées par l’échafaud et par la guerre, ont été deux fois renouvelées. La France est rassise ; l’Europe est de sang-froid ; les hommes ne sont plus les mêmes, et cependant le même esprit anime encore le monde pensant ! et les mêmes mots, prononcés ou écrits par les plus faibles organes, font encore palpiter les mêmes fibres dans tous les cœurs, dans toutes les poitrines des enfants même de ceux qui sont morts dans ce choc contraire de deux idées ! Ah ! si c’est là une démence nationale, convenez du moins que l’accès en est long et que l’idée en est fixe ! et qu’une pareille folie de la Révolution pourrait bien ressembler un jour à cette folie