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jocelyn.

» Que ce dernier sommeil que je fais près de vous
» Descende sur vos yeux encor tranquille et doux !
» De notre long adieu n’anticipez pas l’heure.
» Hélas ! trop tôt viendra ce long soir où l’on pleure !
» Mais l’esprit qui console et l’ange des adieux
» À ma prière alors viendront sécher vos yeux ;
» Vous me verrez entrer plus léger dans ma voie,
» Car ce qu’on donne à Dieu doit s’offrir dans la joie.
» Dormez ! Dès que le jour sur l’église aura lui,
» Au pied de votre lit je veux être avant lui ;
» Et si nos yeux alors ont quelque larme amère,
» Que Dieu nous la pardonne ! Homme, on n’a qu’une mère. »


Son baiser lentement sur mon front descendit,
Et je n’entendis pas ce qu’elle répondit ;
Car, le cœur plein des pleurs que cachait mon visage,
Et ne les pouvant pas retenir davantage,
J’étais déjà sorti de son appartement,
Et je cherchais la nuit pour pleurer librement.
Les brises de montagne, avec le soir venues,
Avaient blanchi le ciel et balayé les nues :
C’était une des nuits dont la sérénité
Parle à l’âme de paix, d’amour, d’éternité,
Où la lune arrondie et dans l’azur assise,
Répandant sur les bois sa lueur indécise,
Semble, en dessinant mieux chaque pâle contour,
Un souvenir muet de la vie et du jour.
Je m’enfonçai pleurant sous les sombres allées,
Des traces de ma mère encor toutes peuplées ;
Je parcourais du pas tout le champêtre enclos
Où, comme autant de fleurs, mes jours étaient éclos ;
J’écoutais chanter l’eau dans le bassin de marbre ;
Je touchais chaque mur, je parlais à chaque arbre ;