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jocelyn.

On dirait l’eau des mers quand une faible brise
Fait miroiter les flots où le rayon se brise.
— Voilà sur l’horizon l’étoile qui descend !
— L’ombre des noirs sapins me voile le croissant ;
Sa mobile blancheur semble sous ce nuage
Une neige qui tombe et fond sur le feuillage.
— Au doux vent que ma joue à peine a ressenti,
Quel immense soupir de leur cime est sorti !
Il naît, il gronde, il baisse… il meurt. C’est la tempête
Qui passe avec ses voix et ses coups sur ma tête ;
C’est la voile où le vent siffle et tonne la nuit,
Quand sur les sombres mers la vague la poursuit.
— Non, c’est un souffle mort dont la nuit les effleure.
— Oh ! qu’à présent la brise avec tendresse y pleure !
N’est-ce pas le soupir de quelque esprit ami
Qui dans ces sons si doux se dévoile à demi,
Vient prêter à ces vents leur douce voix de femme,
Et, par pitié pour nous, pleurer avec notre âme ?


Arbres harmonieux, sapins, harpe des bois,
Où tous les vents du ciel modulent une voix,
Vous êtes l’instrument où tout pleure, où tout chante,
Où de ses mille échos la nature s’enchante,
Où, dans les doux accents d’un souffle aérien,
Tout homme a le soupir d’accord avec le sien !
Arbres saints qui savez ce que Dieu nous envoie,
Chantez, pleurez, portez ma tristesse ou ma joie !
Seul il sait, dans les sons dont vous nous enchantez,
Si vous pleurez sur nous, ou bien si vous chantez.