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jocelyn.

Le rocher vif et nud enclôt de toutes parts
La grotte enveloppée en ces sombres remparts ;
Mais du côté du lac une secrète issue,
Fente entre deux grands blocs, étroite, inaperçue,
En renouvelant l’air sous la terre attiédi,
Laisse entrer le rayon et le jour du midi.
On ne peut du dehors découvrir l’interstice ;
Le rocher pend ici sur l’onde en précipice,
Son flanc rapide et creux par le lac est miné.
Au-dessus de la grotte un lierre enraciné,
Laissant flotter en bas ses festons et ses nappes,
Étend comme un rideau ses feuilles et ses grappes,
Et, se tressant en grille et croisant ses barreaux,
Sur la fenêtre oblongue épaissit ses réseaux.
Je puis, en écartant ce vert rideau de lierre,
Mesurer à mes yeux la nuit ou la lumière,
Adoucir la chaleur ou l’éclat du rayon,
Ou, m’ouvrant de la main un immense horizon,
Du fond de ma retraite à ces monts suspendue,
Laisser fuir mon regard jusqu’à perte de vue.
Auprès de l’ouverture est un banc de rocher
Où je puis à mon gré m’asseoir ou me coucher,
Lire aux rayons flottants qui tremblent sur ma Bible,
Ou, contemplant de Dieu l’ombre ici plus visible,
Les yeux sur la nature, élever au Seigneur,
Dans des transports muets, l’hymne ardent de mon cœur.


Un air égal et doux ; tiède haleine de l’onde,
Règne ici quand la bise ailleurs transit ou gronde ;
Aucun vent n’y pénètre, et, le jour et la nuit,
Dans ce nid de mon âme on n’entend d’autre bruit
Que les gazouillements des becs des hirondelles,
Le vol de quelque mouche aux invisibles ailes,