Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 4.djvu/184

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
183
troisième époque.

Et font gonfler le gouffre, où la cascade tonne,
D’un souffle souterrain, continu, monotone,
Tout semblable de loin aux frémissements sourds
De la corde d’un arc qui vibrerait toujours.


Plus de fêtes du ciel sur ces cimes voilées,
D’aurore étincelante ou de nuits étoilées ;
Plus de festons de fleurs pendants à mon rocher ;
Plus d’oiseaux accourus pour chanter ou nicher :
La corneille égarée y suit ses noires bandes ;
Les frimas congelés sont les seules guirlandes
Qui garnissent la roche où nous nous enfonçons ;
Le jour ne nous y vient qu’à travers les glaçons ;
Mais dans l’air tiède assis, les deux mains sur la braise,
Aux lueurs du foyer qu’entretient le mélèze,
Nous passons sans ennui le temps des mauvais jours :
Ils sont si bien remplis que nous les trouvons courts.
Des entretiens coupés de quelque heure d’étude
Nous font de notre grotte une douce habitude ;
Nous nous y recueillons avec la volupté
De l’oiseau dans son nid près de l’antre abrité,
Que sous un ciel de pluie ou sur la plaine blanche
Le vain courroux des vents berce au chaud sur sa branche.
Plus les vents déchaînés hurlent d’horribles cris,
Plus l’avalanche gronde et roule de débris,
Plus la nuit s’épaissit sous un ciel bas et terne,
Plus la neige s’entasse autour de la caverne,
Plus dans ces sifflements, ces terreurs du dehors,
Nous trouvons d’âpre joie et d’intimes transports,
Plus nous nous concentrons dans la roche qui tremble,
Et nous sentons la main de Dieu qui nous rassemble :
Et si d’un ciel d’hiver quelque rare soleil
Effleure par hasard la fenêtre au réveil,