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quatrième époque.

La grotte, 6 mai 1794.

Il est des jours de luxe et de saison choisie
Qui sont, comme les fleurs précoces de la vie,
Tout bleus, tout nuancés d’éclatantes couleurs,
Tout trempés de rosée et tout fragrants d’odeurs,
Que d’une nuit d’orage on voit parfois éclore,
Qu’on savoure un instant, qu’on respire une aurore,
Et dont comme des fleurs, encor tout enivrés,
On se demande après : « Les ai-je respirés ?
Tant de parfum tient-il dans ces étroits calices ?
Et dans douze moments si courts, tant de délices ? »


Aujourd’hui fut pour nous un de ces jours de choix :
Éveillés aux rayons du plus riant des mois,
À l’hymne étourdissant de la vive alouette
Qui n’a que joie et cris dans sa voix de poëte,
Au murmure du lac flottant à petit pli,
Nous nous sommes levés le cœur déjà rempli,
Ne pouvant contenir l’impatient délire
Qui nous appelle à voir la nature sourire ;
Et nous sommes allés, pas à pas, tout le jour,
Du printemps sur ces monts épier le retour.


La neige qui fondait au tact du rayon rose
Avant d’aller blanchir les pentes qu’elle arrose,