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quatrième époque.

6 janvier 1795.

Un sang pur, le bonheur, le repos, la nature,
Ont bien vite fermé sa dernière blessure ;
Son visage un peu pâle a repris ses couleurs,
Le souffle de la vie a bu d’un trait ses pleurs,
Et comme sur la rose, où flotte encor la pluie,
Un rayon fait briller la goutte qu’il essuie.
Ah ! si ce n’était pas que cet ange souffrait,
Même dans ce bonheur mon cœur regretterait
Ces longues nuits de veille autour de cette couche
À compter en tremblant les souffles de sa bouche,
Les battements du pouls soulevé par le cœur ;
À promener ma main sur son front en sueur,
À retourner son corps alangui par la fièvre,
À verser larme à larme une eau fraîche à sa lèvre,
À voler au chevet si j’entendais gémir,
À voir son œil se clore, à l’écouter dormir,
Ou quand le lourd sommeil, rebelle à mes prières,
Par un rêve agité fuyait de ses paupières,
À venir à la voix de l’enfant effrayé,
Mon coude au bord du lit tout près d’elle appuyé,
Pour l’assoupir un peu chercher dans ma mémoire,
Ou dans mon cœur, d’amants quelque touchante histoire,
Oubliés comme nous du monde, et se faisant
D’eux-même et de leurs cœurs un monde suffisant,
Perdus sous l’œil de Dieu dans sa vaste nature,
Dans quelque île sans nom portés par aventure,