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préface.

gnants et qui viennent respirer au-delà de nos Alpes. Celles-là viennent d’Angleterre ; les suscriptions ont toutes ce caractère rapide, cursif, uniforme, qui indique la multiplicité des rapports et la régularité de hiérarchie chez ce peuple. C’est de l’économie politique ou du méthodisme mystique ; de la poésie point, il n’en vient plus de là depuis quelque temps. Les Anglais ont trop à faire pour rêver : ils travaillent ou ils prient. Travail du corps, travail de l’âme, même chose, mais toujours travail.

Enfin, celles-ci viennent de tous les points divers de la France, aussi variées dans leur format, aussi dissemblables dans leur caractère, et même dans le papier, que les provinces, les races d’hommes et les conditions sociales de ceux qui les ont écrites. On décachette. Quel chaos sur la table ! Langues, vers, prose, chiffres, tout se confond, tout se heurte ; on jette la main au hasard dans ce pêle-mêle d’idiomes, de faits, de sentiments ou d’idées. Les affaires d’abord ; il faut se débarrasser de ce qui ennuie. Puis la politique ; elle occupe une place immense ; c’est l’œuvre de ce siècle : tout le monde y travaille ou y pense, même ceux qui affectent de la dédaigner. Ce sont des systèmes, des encouragements, des enthousiasmes, des conseils, des reproches ; quelquefois des injures, le plus souvent des malentendus. On n’est pas là pour rectifier, pour expliquer, pour justifier sa pensée ou ses actes. Il faut se résoudre à être mal compris, mal jugé, calomnié même. C’est la condition de la vie publique et de la lutte des opinions ; toute cette poussière ne retombe que quand on s’arrête. Allons toujours. La politique active, c’est le coudoiement avec la foule dans un chemin difficile et obstrué : on y déchire ses flancs ; mais cette foule ce sont les hommes, et ce chemin mène les peuples à Dieu.