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notes.

» Ce mystère, je ne cherchais point à le lui arracher ; il ne me l’aurait jamais confié lui-même. Entre un aveu de cette nature et l’amitié la plus intime avec un jeune homme de mon âge, il y avait les convenances sacrées de son caractère sacerdotal. Mais les chuchotements des femmes du village commencèrent à m’en révéler confusément quelque rumeur, et plus tard je connus ce mystère de tristesse dans tous ses détails. »



NOTE DEUXIÈME

(PREMIÈRE ÉPOQUE. — Page 128.)

Les prêtres, n’élevant contre eux que la prière,
Sont par leurs cheveux blancs traînés dans la poussière…

Comme historique de ces vers, nous extrayons de l’Histoire des Girondins le récit du massacre des Carmes.

« Pendant que les tombereaux commandés par les agents du comité de surveillance charriaient les cadavres et le sang de l’Abbaye, trente égorgeurs épiaient depuis le matin les portes des Carmes de la rue de Vaugirard, attendant le signal. La prison des Carmes était l’ancien couvent, immense édifice percé de cloîtres, flanqué d’une église, entouré de cours, de jardins, de terrains vagues. On l’avait converti en prison pour les prêtres condamnés à la déportation. La gendarmerie, la garde nationale, y avaient des postes. On avait, à dessein, affaibli ces postes le matin. Les assassins, qui forcèrent les portes vers quatre heures du soir, les refermèrent sur eux. Ceux qui commencèrent le massacre n’avaient rien du peuple, ni dans le costume, ni dans le langage, ni dans les armes. C’étaient des hommes jeunes, bien vêtus, armés de pistolets et de fusils de chasse. Cérat, jeune séide de Marat et de Danton, marchait à leur tête. On reconnaissait dans sa troupe quelques-uns des visages exaltés qu’on voyait habituellement aux tribunes du club des Cordeliers. Prétoriens de ces agitateurs qu’on appelait, par allusion au couvent où se tenaient les séances, « les frères rouges de Danton, » ils portaient le bonnet rouge, une cravate, un gilet, une ceinture rouges, symbole significatif pour accoutumer les yeux et la pensée à la couleur du sang. Les directeurs du massacre craignirent