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introduction.

martine au rossignol qui chante dans l’ombre du bois : « Il est saisi d’une sympathie bienfaisante, il sent vibrer de nouveau ses fibres que l’abattement avait détendues ; et si cette voix qui peint ses souffrances y mêle par degré de l’espoir, des consolations, la vie renaît en quelque sorte en lui ; déjà il s’attache à l’ami inconnu qui la lui rend ; déjà il voudrait le serrer dans ses bras, l’entretenir avec effusion de tout ce qu’il lui doit. »

Ah ! certes, voilà comment il est bon et beau d’être un grand poëte ; voilà comment il faut comprendre la gloire des lettres : c’est lorsqu’il n’y a qu’une voix dans le monde pour vous louer, pour vous obéir ; lorsque chacun est heureux de vos joies, attristé de vos chagrins, fier de vos triomphes ; lorsque chacun se dit en lui-même que vous êtes sincère et vrai, même dans vos rêves, et que sciemment vous ne trompez personne. Ah ! certes, voilà comment il faut être un poëte : c’est lorsqu’on a le droit de tout dire, de raconter, au premier homme intelligent et simple de cœur, les mouvements les plus secrets de votre âme ; d’habiter une maison de verre, afin que le premier venu puisse savoir ce qui se passe dans votre maison, comme il sait ce qui se passe dans votre cœur. Grandes et belles destinées que peut seule donner la poésie ; gloire pure et sans tache que peuvent seuls réclamer les hommes de bonne volonté dans ce monde et dans l’autre. Mais aussi comme celui-ci a été fidèle à cette devise qu’il s’était faite : Aimer, prier, chanter !

JULES JANIN.