Après les premiers compliments et les premières excuses, ces braves gens, chez qui tout respirait un air d’indigence, mais un air de fête, m’offrirent, sur une table de bois très-propre, un repas champêtre ; de belles châtaignes conservées en automne dans leur seconde écorce et bouillies dans du lait de chèvre, du fromage, du pain de couvent très-blanc et très-savoureux, de l’eau de la source. J’avais une gourde dans mon havre sac, j’en voulus faire goûter à la jeune mère ; elle y trempa ses lèvres avec complaisance, et, les détournant bientôt avec répugnance :
— Je n’ai jamais bu que de l’eau, dit-elle, cela aigrirait le lait de mon enfant.
Je n’osai pas l’interroger sur sa maternité précoce ; mais on voyait qu’elle n’avait pas à rougir. Le vieillard but à sa place.
— Il y a longtemps que j’en ai perdu le goût, dit-il.
— Vous n’êtes donc pas riches ? lui dis-je.
— Oh ! non, dit-il, mais nous ne sommes pas pauvres.
— Oh ! nous l’avons été, s’écria la mère.
— Oh ! oui, reprit la jeune femme, nous l’avons été ; tenez, regardez ce champ de maïs, ce petit enclos où les vignes et les figuiers rampent contre les pierres grises, qui