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FIOR D’ALIZA.

sortent de terre comme pour les supporter ; ce petit pré, au fond du ravin à gauche, qui nourrit deux vaches, et ce bois de jeunes châtaigniers et de lauriers sauvages, qui descend d’en haut vers le pré : tout cela a été a nous. Mais le rocher, le châtaignier, la pelouse, aussi large que ses racines s’étendent et que son ombre porte, et ce verger entre ces pierres grises avec ces vingt pas d’herbe autour de la maison, et les trois figuiers, tout cela est à nous ; et cela nous suffit bien pour nous cinq, tant que le bon Dieu et la Madone ne nous auront pas envoyé d’autres petites bouches de plus pour sucer le rocher qui nous nourrit tous.

LVIII

— Cinq ? dis-je à la jeune femme, mais je n’en vois que quatre en comptant le petit enfant que vous allaitez.

— Oh ! oui, dit la vieille mère, mais il y en a un que vous ne voyez pas et que nous voyons, nous, tout comme s’il était là, et à qui nous laissons sa place vide autour de la table.

À ces mots, la jeune mère se leva, pressa son enfant contre son cœur d’un mouvement sensible et presque convulsif, tourna ses yeux humides du côté de la mer et les essuya avec la manche de sa veste verte.

— C’est Hyeronimo qu’elles veulent dire, monsieur,