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CHAPITRE IV.

CXVII

— Quelle nuit nous passâmes, monsieur ! Magdalena, debout, allant sans cesse écouter si Fior d’Aliza respirait aussi doucement qu’a l’ordinaire ! Hyeronimo, le chien sur sa poitrine, pour l’empêcher de faire un mouvement qui dérangeât son appareil de terre et de chanvre ; moi assis contre la porte avec le chevreau mort entre mes pieds, pensant à la chèvre et à la nourriture de la maison qui avait tari pour jamais avec sa mamelle percée de balles !

Qu’allions-nous devenir avec de l’eau au lieu de lait pour assaisonner nos châtaignes sèches et nos figues coriaces ! Comment soutiendrions-nous tous les quatre notre pauvre vie ! Nous n’avions plus ni raves, ni maïs, ni goutte de vin, plus rien que les salsifis sauvages, les chicorées amères et l’oseille acide, qui poussaient çà et la dans les lagunes humides aux creux des hautes montagnes ; il ne restait plus un seul baïoque de notre dernière récolte de soie, depuis que les mûriers donnaient leurs feuilles au fermier du sbire ; et puis comment sortirais-je pour aller à la messe, le dimanche, aux Camaldules, si le pauvre Zampogna, que j’entendais respirer en haletant, venait à ne pas réchapper de son coup de feu ? Ah ! Dieu préserve mon pire ennemi d’une nuit comme celle que nous passâmes