Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 41.djvu/197

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
196
FIOR D’ALIZA.

n’avions jamais été séparés ni même menacés d’être désunis l’un de l’autre, nous ne pouvions pas savoir combien il y avait de lui dans moi et de moi dans lui, et combien il manquerait tout à coup de moi en moi et de lui en lui si on venait jamais à nous arracher d’ensemble.

Aidez-moi donc, ma tante ; je ne sais pas dire, je m’embrouille dans lui et dans moi sans pouvoir les démêler dans mes paroles, comme je n’aurais pas su les démêler dans notre inclination l’un pour l’autre ; enfin, c’est comme si mon cœur avait battu dans son sein, et comme si son cœur avait battu dans ma poitrine ; ou plutôt, non, ce n’étaient pas deux cœurs, c’était un seul cœur en deux personnes. Tellement, mon père et ma tante, dit-elle en se tournant à demi vers eux, que vous croyez que c’est moi qui suis ici seul avec vous ; eh bien ! pas du tout, il y est tout entier avec moi ; je le vois, je le sens, je l’entends, je lui parle. De même que ses gardiens là-bas croient qu’il est seul enchaîné sur le banc de sa galère ; en bien ! non, j’y suis tout entière avec lui et en lui, aussi présente que vous croyez me voir ici, dans la cabane ; c’était, c’est encore et se sera toujours ainsi. L’amour, à ce qu’il paraît, est un mystère.

Tout cela n’est que pour vous dire que je ne me doutais seulement pas que j’aimais d’amour Hyeronimo, et que lui non plus ne se doutait pas qu’il m’aimait d’amour jusqu’au moment où les sbires, en l’emmenant à la mort, nous apprirent que l’un ne pouvait pas respirer sans l’autre. Ni Dieu ni ses anges n’y pouvaient trouver a redire, n’est-ce