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FIOR D’ALIZA.

Mais, hélas ! mon père et ma tante, le moment où les sbires l’enchaînèrent, le lendemain, là sur le plancher, et l’entraînèrent à la prison de Lucques en l’accablant d’outrager et de menaces de mort, m’en apprit bien vite plus que je n’en aurais su en trois ans. Je sentis que mon cœur s’en allait tout entier avec lui et que la chaîne de fer qui lui garrottait les membres me tirait en bas aussi fort que si j’en avais été garrottée moi-même.

Ce ne fut point une illusion, monsieur, je le sentis comme je vous vois ; ce fut comme un poids qui fait, bon gré, mal gré, trébucher une balance. Je sautai du lit, à demie nue, et je me dis : ils en tueront deux ou je l’arracherai de leurs mains ; allons !… Son ange gardien était entré en moi, il avait pris ma figure.

CXXX

Ma tante et mon père étaient dehors de la porte à écouter les pas des sbires qui entraînaient Hyeronimo dans la nuit ; je m’habillai dans l’ombre, mais, quand je me vis a moitié habillée, avec mes cheveux longs et bouclés, mal retenus par l’aiguille à la pointe de clou au sommet de la tête, avec ma veste brodée de vert sur la poitrine, mes bras nus sortant de ma chemise, mes manches de drap tombant vides le long de mon corps, ma jupe courte, mes pieds nus dans