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CHAPITRE VI.

ver, je ne pus m’empêcher d’avouer qu’il disait trop juste et qu’à sa place j’aurais certainement dit ainsi moi-même. Mais une pauvre fille des montagnes, amoureuse et désolée, mon père et ma tante, excusez-moi cela, ne pense pas à tout à la fois ; je ne pensais alors ni à moi, ni à vous, mais au pauvre Hyéronimo. Si j’ai eu tort, j’en ai été bien punie.

Quand nous eûmes ainsi longtemps parlé bouche à bouche, cœur a cœur, à travers les froides grilles du cachot, trois coups de marteau de l’horloge de la cour, résonnant comme un tremblement de l’air, sous les souterrains, nous apprirent que trois heures s’étaient écoulées dans une minute et qu’il était temps de nous arracher l’un à l’autre si nous ne voulions pas être surpris par le retour du bargello. Nous convînmes ensemble que tel ou tel air de ma zampogne, pendant la nuit, du haut de ma tour, voudrait dire telle ou telle chose : peine, consolation, espérance, bonne nouvelle, absence ou présence du bargello et toujours amour ! amour ! Car le poids du cœur en fait découler enfin les secrets, ma tante ! Et cette fois, malgré notre silence et notre ignorance de nous-mêmes jusque-là, nous n’avions pas pu nous cacher que nous nous aimions, non-seulement de naissance, mais d’amour, et que l’absence ou la mort de l’un serait la mort de l’autre.

J’avais bien rougi en lui avouant ce que je sentais, sa voix avait bien tremblé en me confessant pour la première fois que je ne faisais pas deux avec lui dans son idée et