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FIOR D’ALIZA.

vieillard chancelant avec sa besace et son bâton, demandant pour eux l’aumône aux portes.

C’est pourtant comme cela que nous entrâmes à Lucques, monsieur, moi disant mon chapelet derrière le frère quêteur, et lui, en montrant mon beau-frère, marchant à tâtons derrière nous, guidé par son pauvre chien estropié.

Hélas ! qu’aurait pensé mon pauvre défunt mari, s’il nous avait vus ainsi du haut de son paradis, lui qui m’avait laissée en mourant si jeune et si nippée, avec une si belle enfant au sein ; son frère, avec ses deux yeux, riche d’un si beau domaine autour d’un grand châtaignier ; son fils, riant dans son berceau auprès du foyer pétillant des sarments de la vigne, honorés dans toute la montagne et faisant envie à tous les pèlerins qui montaient ou descendaient par le sentier de San Stefano ?

Et maintenant, son fils condamné pour homicide, au fond d’un cachot, sur la paille, attendant le jour du supplice ; son frère ayant perdu la lumière du firmament ; moi, flétrie et pâlie par les soucis, loin de ma fille que j’allais retrouver sans qu’il me fût permis de l’embrasser seulement quand je la reverrais !

Tous nos biens passés dans les mains des hommes de loi, ruinés, mendiants, et, qui plus est, déshonorés à jamais dans la montagne par un homicide commis à notre porte, comme dans un repaire de brigands, bien que nous fussions honnêtes ! Mais qui le savait, excepté Dieu et le moine ? Voilà pourtant, monsieur, ce que nous étions de-