Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 5.djvu/401

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Le son mélodieux du bulbul de tes bois
Est-il donc dans l’écho plutôt que dans la voix ?
N’entends-tu pas en toi de célestes pensées,
Par leur propre murmure assez récompensées ?
Le génie est-il donc extase ou vanité ?
N’écouterais-tu pas pendant l’éternité
Le bruit mélodieux de ces ailes de flamme,
Que fait l’aigle invisible en traversant ton âme ?
Le cœur a-t-il besoin que dans ses sentiments
Tout l’univers palpite avec ses battements ?
Hé ! qu’importe l’écho de ta voix faible ou forte ?
N’est-il pas aussi long que le vent qui l’emporte ?
Ne se confond-il pas dans cet immense chœur
Que la vie et l’amour tirent de chaque cœur ?

N’as-tu pas vu souvent, aux jours pâles d’automne,
Le vent glacé du Nord, dont l’aile siffle et tonne,
Fouetter en tourbillons, dans son fougueux courant.
Les dépouilles du bois en liquide torrent ?
Du fleuve où roule à sec sa gerbe amoncelée,
Le bruit des grandes eaux monte sur la vallée :
Bien qu’un gémissement sorte de chaque pli,
Notre oreille n’entend qu’un immense roulis ;
Mais l’oreille de Dieu, qui plus haut les recueille,
Distingue dans ce bruit la voix de chaque feuille,
Et du brin d’herbe mort le plus léger frisson
Dont ce bruit collectif accumule le son.
C’est ainsi, mon ami, que dans le bruit terrestre.
Dont le génie humain est le confus orchestre
Et qu’emporte en passant l’esprit de Jéhova,
Le faible bruit de l’homme avec l’homme s’en va ;
A l’oreille de Dieu ce bruit pourtant arrive :
Chaque âme est une note, hélas ! bien fugitive ;