Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 5.djvu/402

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Chaque son meurt bientôt ; mais l’hymne solennel
S’élève incessamment du temps à l’Éternel !
Notre voix, qui se perd dans la grande harmonie,
Va retentir pourtant à l’oreille infinie !
Eh quoi ! n’est-ce donc rien que d’avoir en passant
Jeté son humble strophe au concert incessant,
Et d’avoir parfumé ses ailes poétiques
De ces soupirs notés dans les divins cantiques ?
Faut-il, pour écouter ce qui mourra demain,
Imposer à jamais silence au genre humain ?

Elle vole plus haut, l’âme du vrai poète !
De toute ma raison, ami, je te souhaite
Le dédain du journal, l’oubli de l’univers,
Le gouffre du néant pour ta prose ou tes vers ;
Mais au fond de ton cœur une source féconde
Où l’inspiration renouvelle son onde,
Et dont le doux murmure, en berçant ton esprit,
Coule en ces vers muets qu’aucune main n’écrit ;
Une âme intarissable en sympathique extase,
Où l’admiration déborde et s’extravase ;
Ces saints ravissements devant l’œuvre de Dieu,
Qui font pour le poète un temple de tout lieu ;
Ces conversations en langue intérieure
Avec l’onde qui chante ou la brise qui pleure,
Avec l’arbre, l’oiseau, l’étoile au firmament,
Et tout ce qui devient pensée ou sentiment ;
Une place au soleil contre un mur où l’abeille,
Nageant dans le rayon, bourdonne sous la treille ;
Sous les verts parasols de tes pins du Midi,
Une pente d’un pré par le ciel attiédi,
D’où le regard glissant voit à travers la brume
La mer bleue au rocher jeter sa blanche écume,