Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 5.djvu/440

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Combien de muettes pensées
Que nous échangions d’un regard,
D’âmes dans les âmes versées,
De recueillements à l’écart !

Que de rêves éclos en foule
De ce que l’âge a de plus beau,
Le pied du passant qui le foule
Presse avec lui sur son tombeau !

Ainsi nous mourons feuille à feuille,
Nos rameaux jonchent le sentier ;
Et quand vient la main qui nous cueille,
Qui de nous survit tout entier ?

Ces contemporains de nos âmes,
Ces mains qu’enchaînait notre main,
Ces frères, ces amis, ces femmes.
Nous abandonnent en chemin.

A ce chœur joyeux de la route
Qui commençait à tant de voix,
Chaque fois que l’oreille écoute,
Une voix manque chaque fois.

Chaque jour l’hymne recommence
Plus faible et plus triste à noter :
Hélas ! c’est qu’à chaque distance
Un cœur cesse de palpiter.