Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/134

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En approchant, convaincu par la lecture de la beauté du monument, j’étais étonné de me sentir froid et stérile ; mon cœur cherchait à s’émouvoir, mes yeux cherchaient à admirer. Rien. — Je ne sentais que ce qu’on éprouve à la vue d’une œuvre sans défaut, un plaisir négatif ; — mais une impression réelle et forte, une volupté neuve, puissante, involontaire ; point. — Ce temple est trop petit ; c’est un sublime jouet de l’art ! Ce n’est pas un monument pour les dieux, pour les hommes, pour les siècles. Je n’eus qu’un instant d’extase : c’est celui où, assis à l’angle occidental du temple, sur ses dernières marches, mes regards embrassèrent à la fois, avec la magnifique harmonie de ses formes et l’élégance majestueuse de ses colonnes, l’espace vide et plus sombre de son portique, et sur sa frise intérieure les admirables bas-reliefs des combats des Centaures et des Lapithes ; et au-dessus, par l’ouverture du centre, le ciel bleu et resplendissant, répandant son jour mystique et serein sur les corniches et sur les formes saillantes des figures des bas-reliefs : elles semblaient alors vivre et se mouvoir. Les grands artistes en tout genre ont seuls ce don de la vie, — hélas ! à leurs dépens ! — Au Parthénon il ne reste plus que deux figures, Mars et Vénus, à demi écrasées par deux énormes fragments de la corniche qui ont glissé sur leurs têtes ; mais ces deux figures valent pour moi à elles seules plus que tout ce que j’ai vu en sculpture de ma vie : elles vivent comme jamais toile ou marbre n’a vécu. — On souffre du poids qui les écrase ; on voudrait soulager leurs membres, qui semblent plier en se roidissant sous cette masse ; on sent que le ciseau de Phidias tremblait, brûlait dans sa main quand ces sublimes figures naissaient sous ses doigts. — On sent (et ce n’est point une illusion, c’est la vérité, vérité doulou-