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reuse !) que l’artiste infusait de sa propre individualité, de son propre sang, dans les formes, dans les veines des êtres qu’il créait, et que c’est encore une partie de sa vie qu’on voit palpiter dans ces formes vivantes, dans ces membres prêts à se mouvoir, sur ces lèvres prêtes à parler.

Non, le temple de Thésée n’est pas digne de sa renommée ; il ne vit pas comme monument, il ne dit rien de ce qu’il doit dire : c’est de la beauté sans doute, mais de la beauté froide et morte dont l’artiste seul doit aller secouer le linceul et essuyer la poussière. Pour moi, je l’admire, et je m’en vais sans aucun désir de le revoir. Les belles pierres de la colonnade du Vatican, les ombres majestueuses et colossales de Saint-Pierre de Rome, ne m’ont jamais laissé sortir sans un regret, sans une espérance d’y revenir !

Plus haut, en gravissant une noire colline couverte de chardons et de cailloux rougeâtres, vous arrivez au Pnyx, lieu des assemblées orageuses du peuple d’Athènes et des ovations inconstantes de ses orateurs ou de ses favoris. — D’énormes blocs de pierre noire, dont quelques-uns ont jusqu’à douze ou treize pieds cubes, reposent les uns sur les autres, et portaient la terrasse où le peuple se réunissait. Plus haut encore, et à une distance d’environ cinquante pas, on voit un énorme bloc carré, dans lequel on a taillé des degrés qui servaient sans doute à l’orateur pour monter sur cette tribune, qui dominait ainsi le peuple, la ville et la mer. Ceci n’a aucun caractère de l’élégance du peuple, de Périclès ; cela sent le Romain ; les souvenirs y sont beaux. — Démosthène parlait de là, et soulevait ou calmait cette mer populaire plus orageuse que la mer Égée, qu’il pouvait en-