Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/144

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qui auraient encore le sentiment de la vie. C’est le plus sublime effet de ruines que les hommes ont jamais pu produire, parce que c’est la ruine de ce qu’ils firent jamais de plus beau !

Si on entre sous le péristyle et sous les portiques, on peut se croire encore au moment où l’on achevait l’édifice ; les murs intérieurs sont tellement conservés, la face des marbres si luisante et si polie, les colonnes si droites, les parties conservées de l’édifice si admirablement intactes, que tout semble sortir des mains de l’ouvrier : seulement le ciel étincelant de lumière est le seul toit du Parthénon, et, à travers les déchirures des pans de murailles, l’œil plonge sur l’immense et volumineux horizon de l’Attique. Tout le sol alentour est jonché de fragments de sculpture ou de morceaux d’architecture qui semblent attendre la main qui doit les élever à leur place dans le monument qui les attend. — Les pieds heurtent sans cesse contre les chefs-d’œuvre du ciseau grec : on les ramasse, on les rejette, pour en ramasser un plus curieux ; on se lasse enfin de cet inutile travail ; tout n’est que chef-d’œuvre pulvérisé. — Les pas s’impriment dans une poussière de marbre ; on finit par la regarder avec indifférence, et l’on reste insensible et muet, abîmé dans la contemplation de l’ensemble, et dans les mille pensées qui sortent de chacun de ces débris. Ces pensées sont de la nature même de la scène où on les respire ; elles sont graves comme ces ruines des temps écoulés, comme ces témoins majestueux du néant de l’humanité ; mais elles sont sereines comme le ciel qui est sur nos têtes, inondées d’une lumière harmonieuse et pure, élevées comme ce piédestal de l’Acropolis, qui semble planer au-dessus de la terre ; résignées et