Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/184

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nent comme des îles inaccessibles dans les vagues du firmament.

Si nos regards redescendent de ce sublime horizon des montagnes, ils ne trouvent partout à se poser que sur des gerbes majestueuses de palmiers plantés çà et là dans la campagne auprès des maisons des Arabes, sur les vertes ondulations des têtes de pins laryx, semés par petits bouquets dans la plaine ou sur les revers des collines, sur les haies de nopal, ou d’autres plantes grasses dont les lourdes feuilles retombent, comme des décorations de pierre, sur les petits murs à hauteur d’appui qui soutiennent les terrasses. Ces murs eux-mêmes sont tellement revêtus de lichens en fleur, de lierres terrestres, de vignes sauvages, de plantes bulbeuses à fleurs de toutes les nuances, à grappes de toutes les formes, qu’on ne peut distinguer les pierres dont ces murs sont bâtis : ce ne sont que des remparts de verdure et de fleurs.

Enfin, tout près de nous, là, sous nos yeux, deux ou trois maisons semblables aux nôtres, et à demi voilées par les dômes des orangers en fleur et en fruit, nous offrent ces scènes animées et pittoresques qui sont la vie de tout paysage. Des Arabes assis sur des nattes fument sur les toits des maisons. Quelques femmes se penchent aux fenêtres pour nous voir, et se cachent quand elles s’aperçoivent que nous les regardons. Sous notre terrasse même, deux familles arabes, pères, frères, femmes et enfants, prennent leur repas à l’ombre d’un petit platane sur le seuil de leurs maisons ; et à quelques pas de là, sous un autre arbre, deux jeunes filles syriennes, d’une beauté incomparable, s’habillent en plein