Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/290

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voiles sortant des ports et y rentrant. Saïde et Bayruth surtout, entourées de leurs riches plaines d’oliviers, de citronniers, de mûriers, avec leurs minarets, leurs dômes de mosquées, leurs châteaux et leurs murs crénelés, sortaient de cet océan de couleurs et de lignes, et arrêtaient les regards sur deux points avancés dans les flots. Au delà de la plaine de Bayruth, le grand Liban, interrompu par le cours du fleuve, recommençait à s’élever, d’abord jaune et doré comme les colonnes de Pœstum ; ensuite, gris, sombre, terne ; puis, vert et noir dans la région des forêts : enfin, dressant ses aiguilles de neige, qui semblaient se fondre dans la transparence du ciel, et où les blancs rayons dormaient, dans une éternelle sérénité, sur des couches d’éternelle blancheur. Naples ni Sorrente, Rome ni Albano, n’ont un pareil horizon.

Après avoir descendu environ deux heures, nous trouvâmes un kan isolé sous de magnifiques platanes, au bord d’une fontaine. Il faut décrire une fois pour toutes ce qu’on appelle un kan dans la Syrie, et en général dans toutes les contrées de l’Orient : c’est une cabane dont les murs sont de pierres mal jointes, sans ciment, et laissant passer le vent ou la pluie : ces pierres sont généralement noircies par la fumée du foyer, qui filtre continuellement à travers leurs interstices. Les murs ont à peu près sept à huit pieds de haut ; ils sont recouverts de quelques pièces de bois brut, avec l’écorce et les principaux rameaux de l’arbre ; le tout est ombragé de fagots desséchés qui servent de toit ; l’intérieur n’est pas pavé, et, selon la saison, c’est un lit de poussière ou de boue. Un ou deux poteaux servent d’appui au toit de feuilles, et on y suspend le manteau ou les armes