Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/289

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bois de sapins. Nous touchâmes enfin à la dernière crête blanche et nue des montagnes, et l’immense horizon de la côte de Syrie se déroula d’un seul regard devant nous. C’était un aspect tout différent de celui que nous avions sous les yeux depuis quelques jours : c’était l’horizon de Naples vu du sommet du Vésuve ou des hauteurs de Castellamare. L’immense mer était à nos pieds, sans limites, ou seulement avec quelques nuages amoncelés à l’extrémité de ses vagues. Sous ces nuages on aurait pu croire que l’on apercevait une terre, la terre de Chypre, qui est à trente lieues en mer, le mont Carmel à gauche, et à perte de vue, sur la droite, la chaîne interminable des côtes de Bayruth, de Tripoli de Syrie, de Latakieh, d’Alexandrette ; enfin, confusément et sur les brumes dorées du soir, quelques aiguilles resplendissantes des montagnes du Taurus : mais ce pouvait être une illusion, car la distance est énorme. Immédiatement sous nos pieds la descente commençait ; et après avoir glissé sur les rochers et les bruyères sèches de la cime où nous étions placés, elle s’adoucissait un peu et se déroulait de sommets en sommets, d’abord par des têtes grises de collines rocailleuses, ensuite sur les têtes vert-sombre des pins, des cèdres, des caroubiers, des chênes verts ; puis, sur des pentes plus douces, sur la verdure plus pâle et plus jaune des platanes et des sycomores ; enfin, venaient des collines grises, toutes veloutées de la feuille des bois d’oliviers. Tout allait s’éteindre et mourir dans l’étroite plaine qui sépare le Liban de la mer. Là, sur les caps, on voyait de vieilles tours moresques qui gardent le rivage ; au fond des golfes, des villes ou de gros villages avec leurs murs brillant au soleil, et leurs anses creusées entre les sables, et leurs barques échouées sur les bords, ou leurs