Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/302

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le 11, nous levâmes les tentes à la lueur de mille étoiles qui se réfléchissaient dans les flots étendus à nos pieds ; nous descendîmes environ une heure les dernières collines qui forment le cap Blanc ou Raz-el-Abiad, et nous entrâmes dans la plaine d’Acre, l’ancienne Ptolémaïs.

Le siége d’Acre, par Ibrahim-Pacha, avait récemment réduit la ville en un monceau de ruines sous lesquelles dix à douze mille morts étaient ensevelis avec des milliers de chameaux. Ibrahim, vainqueur, et pressé de mettre son importante conquête à l’abri d’une réaction de la fortune, était occupé à relever les murs et les maisons d’Acre : tous les jours on déterrait de ces décombres des centaines de morts à demi consumés ; les exhalaisons putrides, les cadavres amoncelés, avaient corrompu l’air de toute la plaine. Nous passâmes le plus loin possible des murs, et nous allâmes faire halte, à midi, au village arabe des Eaux-d’Acre, sous un verger de grenadiers, de figuiers et de mûriers, et près les moulins du Pacha ; à cinq heures, nous en repartîmes pour aller camper sous un bois d’oliviers, au pied des premières collines de la Galilée.

Le 12, nous nous remîmes en marche avec la première lueur du jour ; nous franchîmes d’abord une colline plantée d’oliviers et de quelques chênes verts, répandus par groupes ou croissant en broussailles sous la dent rongeuse des chèvres et des chameaux. Quand nous fûmes au revers de cette colline, la terre sainte, la terre de Chanaan, se montra tout entière devant nous. L’impression fut grande, agréable et profonde ; ce n’était pas là cette terre nue, rocailleuse, stérile, cette ruche de montagnes basses et dé-