Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/352

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petite terrasse recouverte en feuilles de palmier : derrière cette terrasse, deux chambres nues et environnées seulement d’un divan, seul meuble indispensable du riche et du pauvre dans tout l’Orient ; quelques pots de fleurs sur la terrasse, une volière peuplée de jolies colombes grises, nourries par les sœurs de M. Malagamba ; des étagères autour des murs, sur lesquelles sont rangés avec ordre des tasses, des pipes, des verres à liqueur, des cassolettes d’argent pour les parfums, et des crucifix de bois incrustés de nacre, faits à Bethléem : — voilà tout l’ameublement de cette pauvre maison, où une famille délaissée représente, pour mille piastres de traitement (environ trois cents francs), une des puissances de notre Europe.

Madame Malagamba, la mère, nous reçut avec les cérémonies usitées dans le pays. Elle nous présenta les parfums et les eaux de senteur ; et nous étions à peine assis sur le divan, essuyant la sueur de nos fronts, que ses filles, deux apparitions célestes, sortirent de la chambre voisine, et nous présentèrent l’eau de fleurs d’oranger et les confitures, sur des plateaux de porcelaine de la Chine. L’empire de la beauté est tel sur notre âme, que, quoique dévorés de soif et accablés d’une marche de douze heures, nous serions restés en contemplation muette devant ces deux jeunes filles sans porter le verre à nos lèvres, si la mère ne nous eût pressés par ses instances d’accepter ce que ses filles nous présentaient. L’Orient tout entier était là, tel que je l’avais rêvé dans mes belles années, la pensée remplie des images enchantées de ses conteurs et de ses poëtes. L’une des jeunes filles n’était qu’un enfant ; ce n’était que l’accompagnement gracieux de sa sœur, comme ces images qui en