Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/351

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balancent quelques bricks arabes ; au-dessus de Kaïpha, une forêt de gros oliviers ; plus haut encore, un chemin taillé dans le roc, aboutissant au sommet du cap du Carmel ; là, deux vastes édifices couronnant la montagne : l’un, maison de plaisance d’Abdalla, pacha d’Acre ; l’autre, couvent des religieux du mont Carmel, élevé récemment par les aumônes de la chrétienté, et surmonté d’un large drapeau tricolore, pour nous annoncer l’asile et la protection des Français ; un peu plus bas que le couvent, d’immenses cavernes creusées dans le granit de la montagne : ce sont les fameuses grottes des prophètes. Voilà le paysage qui nous frappe en entrant dans les rues poudreuses et étroites de Kaïpha. Les habitants étonnés regardaient avec terreur défiler notre longue caravane. Nous ne connaissions personne ; nous n’avions aucun gîte, aucune hospitalité à réclamer.

Le hasard nous fit rencontrer un jeune Piémontais qui faisait les fonctions de vice-consul à Kaïpha, depuis la prise et le renversement d’Acre. M. Bianco, consul de Sardaigne en Syrie, lui avait écrit à notre insu, et l’avait prié de nous accueillir si nous venions à passer par Kaïpha. Il nous aborda, s’informa de nos noms, et nous conduisit à la porte de la petite maison en ruine où il vivait avec sa mère et deux jeunes sœurs. Nous laissâmes nos chevaux et nos Arabes camper sur le bord de la mer, près de la ville, et nous entrâmes chez M. Malagamba : c’est le nom de ce jeune et aimable vice-consul, le seul Européen qui reste dans ce champ de bataille désolé, depuis la ruine complète d’Acre par les Égyptiens.

Une petite cour, un escalier en bois, conduisent à une