Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/354

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traits avec une telle grâce, avec une telle transparence, qu’on voyait sa pensée sous sa peau avant qu’elle en eût elle-même la conscience. Le jeu des rayons du soleil, qui glissent à travers l’ombre sur une eau limpide, est moins mobile et moins transparent que cette physionomie. Nous ne pouvions en détacher nos yeux, et nous étions déjà reposés par le seul aspect de cette figure, qu’aucun de nous n’oubliera jamais.

Mademoiselle Malagamba a ce genre de beauté que l’on ne peut guère rencontrer que dans l’Orient : la forme accomplie, comme elle l’est dans la statue grecque ; l’âme révélée dans le regard, comme elle l’est dans les races du Midi ; et la simplicité dans l’expression, comme elle n’existe plus que chez les peuples primitifs, quand ces trois conditions de la beauté se rencontrent dans une seule figure de femme, et s’harmonisent sur un visage avec la première fleur de l’adolescence ; quand la pensée rêveuse et errante dans le regard éclaire doucement, de ses rayons humides, des yeux qui se laissent lire jusqu’au fond de l’âme, parce que l’innocence ne soupçonne rien à voiler ; quand la délicatesse des contours, la pureté virginale des lignes, l’élégance et la souplesse des formes, révèlent à l’œil cette voluptueuse sensibilité de l’être né pour aimer, et mêlent tellement l’âme et les sens, qu’on ne sait, en regardant, si l’on sent ou si l’on admire : alors la beauté est complète, et l’on éprouve à son aspect cette complète satisfaction des sens et du cœur, cette harmonie de jouissance qui n’est pas ce que nous appelons l’amour, mais qui est l’amour de l’intelligence, l’amour de l’artiste, l’amour du génie pour une œuvre parfaite. On se dit : Il fait bon ici ; et l’on ne peut