Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/374

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morceau d’étoffe de poil de chèvre noire, tendu d’un pilier à l’autre, et formant ainsi le toit.

Le scheik lui-même, ses femmes et ses enfants, qui occupaient sans doute le palais du village, avaient tous leur demeure à l’entrée de la ville, dans les décombres d’un temple romain, sur un tertre très-élevé, au-dessus du sentier où nous entrions, et leur maison était formée par un bloc immense de pierre sculptée qui pendait presque perpendiculairement, appuyé par un de ses angles sur d’autres blocs roulés pêle-mêle, et comme arrêtés dans leur chute. Ce chaos de pierres semblait véritablement s’écrouler encore, et prêt à écraser les femmes et les enfants du scheik, qui montraient leurs têtes au-dessus de nous, hors de cette caverne artificielle. Les femmes n’étaient pas voilées ; elles n’avaient pour vêtement qu’une chemise de coton bleu, qui laisse la poitrine découverte et les jambes nues ; cette chemise est serrée autour du corps par une ceinture de cuir. Ces femmes nous parurent belles, malgré les anneaux qui perçaient leurs narines, et les tatouages bizarres dont leurs joues et leur gorge étaient sillonnées. Les enfants étaient nus, assis ou à cheval sur les blocs de pierres taillées qui formaient la terrasse de ces effrayantes demeures ; et quelques chèvres noires, aux longues oreilles pendantes, étaient grimpées, à côté des enfants, sur la porte de ces grottes, et nous regardaient passer, ou bondissaient au-dessus de nos têtes, en franchissant d’un bloc à l’autre le sentier profond où nous marchions. Nous vîmes quelques chameaux couchés çà et là dans le creux frais formé par les interstices des débris, et dressant leur tête pensive et calme au-dessus des tronçons de colonnes et de chapiteaux éboulés. À