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lendemain. Nous nous couchâmes sur les nattes et sur les divans de la salle de M. Damiani, et nous nous réveillâmes au gazouillement des innombrables hirondelles qui voltigeaient sur nos têtes dans l’appartement.

La journée se passa à rendre les visites que nous avions reçues, au gouverneur et au supérieur du couvent de Terre-Sainte à Jaffa, vénérable religieux espagnol qui habite Jaffa depuis l’époque où les Français y vinrent, et qui nous certifia la vérité de l’empoisonnement des pestiférés.

Jaffa ou Yaffa, l’ancienne Joppé de l’Écriture, est un des plus anciens et des plus célèbres ports de l’univers. Pline en parle comme d’une cité antédiluvienne. C’est là, selon les traditions, qu’Andromède fut attachée au roc et exposée au monstre marin ; c’est là que Noé construisit l’arche ; c’est là que les cèdres du mont Liban abordaient par ordre de Salomon, pour servir à la construction du temple. Jonas, le prophète, s’y embarqua huit cent soixante-deux ans avant le Christ. Saint Pierre y ressuscita Tabitha. La ville fut fortifiée par saint Louis, dans le temps des croisades. En 1799, Bonaparte la prit d’assaut, et y massacra les prisonniers turcs. Elle a un méchant port pour les barques seulement, et une rade très-dangereuse, comme nous l’éprouvâmes nous-mêmes à notre second voyage par mer. On compte à Jaffa cinq à six mille habitants, Turcs, Arabes, Arméniens, Grecs, Catholiques et Maronites. Chacune de ces communions y a une église. Le couvent latin est magnifique. On l’embellissait encore à notre passage ; mais nous n’éprouvâmes pas l’hospitalité de ces religieux : leurs vastes appartements ne s’ouvrirent ni pour nous ni pour aucun des