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entrelacés, au tronc d’une écorce brune, polie, luisante, le plus bel arbre de ces climats. On arrive, après une demi-heure, au sommet de la presqu’île qui forme le cap de Bayruth ; elle se termine en pointe arrondie dans la mer, et sa base est formée par une belle et large plaine, traversée par le Nahr-Bayruth. Cette plaine, arrosée, cultivée, plantée partout de beaux palmiers, de verts mûriers, de pins à la cime large et touffue, vient mourir sous les premiers rochers du Liban.

Au point culminant de la plaine de Bayruth, s’étend la magnifique scène de Fakar-el-Din ou Fakardin : c’est la promenade de Bayruth ; c’est là que les cavaliers turcs, arabes, et les Européens, vont exercer leurs chevaux et courir le djérid ; c’est là que j’allais tous les jours moi-même passer quelques heures à cheval, tantôt courant sur les sables déserts qui dominent l’horizon bleu et immense de la mer syrienne, tantôt, au pas, rêvant sous les allées des jeunes pins qui couvrent une partie de ce promontoire. C’est le plus beau lieu que je connaisse au monde : — des pins gigantesques, dont les troncs vigoureux, légèrement inclinés sous le vent de mer, portant comme des dômes leurs têtes larges et arrondies en parasols, sont jetés par groupes de deux ou de trois arbres, ou semés isolément, de vingt pas en vingt pas, sur un sable d’or que perce çà et là un léger duvet vert de gazon et d’anémones. Ils furent plantés par Fakar-el-Din, dont les merveilleuses aventures ont répandu la renommée en Europe : ils gardent encore son nom. Je voyais tous les jours avec douleur un héros plus moderne renverser ces arbres qu’un autre grand homme avait plantés. Ibrahim-Pacha en faisait couper quelques-uns pour sa ma-