Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/15

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horizon assez vaste, et l’on peut distinguer de très-loin un Arabe galopant dans la plaine. Comme ce désert est le théâtre de leur brigandage, du pillage et du massacre des caravanes qui vont de Jérusalem à Damas, ou de la Mésopotamie en Égypte, les Arabes ont profité de quelques mamelons formés par le sable mouvant, et en ont aussi élevé eux-mêmes de factices pour se dérober aux regards des caravanes et les observer de plus loin ; ils creusent un trou dans le sable au sommet de ces mamelons, et s’y enterrent eux et leurs chevaux. Aussitôt qu’ils aperçoivent une proie, ils s’élancent avec la rapidité du faucon ; ils vont avertir leur tribu, et reviennent ensemble à l’attaque : c’est là leur unique industrie, leur unique gloire ; leur civilisation à eux, c’est le meurtre et le pillage, et ils attachent autant d’estime à leurs succès dans ce genre d’exploits, que nos conquérants à la conquête d’une province. Leurs poëtes, car ils en ont, célèbrent dans leurs vers ces scènes de barbarie, et font passer de générations en générations le souvenir honoré de leur courage et de leurs crimes. Les chevaux surtout ont leur part de gloire dans ces récits ; en voici un que le fils du scheik nous raconta chemin faisant :

« Un Arabe et sa tribu avaient attaqué dans le désert la caravane de Damas ; la victoire était complète, et les Arabes étaient déjà occupés à charger leur riche butin, quand les cavaliers du pacha d’Acre, qui venaient à la rencontre de cette caravane, fondirent à l’improviste sur les Arabes victorieux, en tuèrent un grand nombre, firent les autres prisonniers, et, les ayant attachés avec des cordes, les emmenèrent à Acre pour en faire présent au pacha. Abou-el-Marsch (c’est le nom de l’Arabe dont il nous parlait) avait