Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/21

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sieurs, pendant le peu d’heures que nous restâmes dans cette charmante oasis. La forêt suit toutes les sinuosités du Jourdain, et lui tresse partout une perpétuelle guirlande de rameaux et de feuilles qui trempent dans l’eau, et font murmurer ses vagues légères. Une innombrable quantité d’oiseaux habite ces forêts impénétrables. Les Arabes nous avertissent de ne pas marcher sans nos armes, et de ne nous avancer qu’avec précaution, parce que ces épais taillis sont le repaire de quelques lions, de panthères et de chats-tigres. Nous n’en vîmes aucun ; mais nous entendîmes souvent dans l’ombre du fourré des rugissements et des bruits semblables à ceux que font les grands animaux en perçant les profondeurs des bois.

Nous parcourûmes, pendant une ou deux heures, les parties accessibles du rivage de ce beau fleuve. Dans quelques endroits, les Arabes des tribus sauvages des montagnes de l’Arabie Pétrée, au pied desquelles nous étions, avaient incendié la forêt, pour y pénétrer ou pour enlever du bois ; il y restait une grande quantité de troncs, calcinés seulement par l’écorce ; mais les jets nouveaux avaient poussé autour des arbres brûlés, et les plantes grimpantes de ce sol fertile avaient déjà tellement enlacé les arbres morts et les arbres jeunes, que la forêt en était plus étrange, sans en être moins vaste et moins luxuriante. Nous cueillîmes une ample provision de branches de saules, de peupliers, de tous les arbres à longue tige et à belle écorce, dont j’ignore les noms, pour en faire des présents à nos amis d’Europe ; et nous rejoignîmes le camp, que nos Arabes avaient changé de place pendant notre excursion au bord du fleuve.