Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/26

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d’eau nous offrit partout le même aspect : éclat, azur et immobilité.

Les hommes ont bien conservé la faculté que Dieu leur donna, dans la Genèse, d’appeler les choses par leurs noms. Cette mer est belle ; elle étincelle, elle inonde, de la réflexion de ses eaux, l’immense désert qu’elle couvre ; elle attire l’œil, elle émeut la pensée ; mais elle est morte ; le mouvement et le bruit n’y sont plus : ses ondes, trop lourdes pour le vent, ne se déroulent pas en vagues sonores, et jamais la blanche ceinture de son écume ne joue sur les cailloux de ses bords : c’est une mer pétrifiée. Comment s’est-elle formée ? Apparemment, comme dit la Bible et comme dit la vraisemblance, vaste centre de chaînes volcaniques qui s’étendent de Jérusalem en Mésopotamie, et du Liban à l’Idumée, un cratère se sera ouvert dans son sein, au temps où sept villes peuplaient sa plaine. Les villes auront été secouées par le tremblement de terre : le Jourdain, qui, selon toute probabilité, courait alors à travers ces plaines, et allait se jeter dans la mer Rouge, arrêté tout à coup par les monticules volcaniques sortis de la terre, et s’engouffrant dans les cratères de Sodome et de Gomorrhe, aura formé cette mer corrompue par le sel, le soufre et le bitume, aliments ou produits ordinaires des volcans : voilà le fait et la vraisemblance. Cela n’ajoute ni ne retranche rien à l’action de cette souveraine et éternelle volonté que les uns appellent miracle, et que les autres appellent nature : nature et miracle n’est-ce pas tout un ? et l’univers est-il autre chose que miracle éternel et de tous les moments ?