Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/326

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lent de petits torrents qui creusent des ravins autour de leurs flancs ; puis les hautes montagnes de l’île dominent et ombragent les collines, la pelouse et la source. Des bords de la fontaine où je suis couché, je vois, à travers les rameaux des pins et des sycomores, la mer de l’archipel d’Asie, qui ressemble à un lac semé d’îles, et les golfes profonds qui s’enfoncent entre les hautes et sombres montagnes de Macri, toutes couronnées de créneaux de neige ; je n’entends rien que le bruit de la source, du vent dans les feuilles, le vol d’un bulbul que ma présence alarme, et le chant plaintif de la paysanne grecque qui berce son enfant sur le toit de sa cabane. — Que ce lieu m’eût été beau il y a six mois !

Je rencontre, dans un sentier des hautes montagnes de Rhodes, un chef cypriote, vêtu à l’européenne, mais coiffé du bonnet grec, et portant une longue barbe blanche. Je le reconnais : il se nomme Thésée, il est neveu du patriarche de Chypre ; il s’est distingué dans la guerre de l’indépendance. Revenu à Chypre après la pacification de la Morée, son nom, son esprit, son activité, lui ont attaché la population grecque de Chypre. À l’époque du soulèvement qui vient d’avoir lieu dans l’île, les paysans des montagnes se sont rangés sous ses ordres ; il a employé son influence à les calmer ; et après avoir, de concert avec M. Bottu, le consul de France, obtenu le redressement de quelques griefs, il a dispersé sa troupe, et s’est réfugié au consulat de France pour échapper à la vengeance des Turcs. Un bâtiment grec l’a jeté à Rhodes, où il n’est pas en sûreté ; je lui offre une place sur un de mes bricks, il s’y réfugie ; je le transporterai à Constantinople, en Grèce ou en Europe, selon son