Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/345

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

point de vue le plus merveilleux que le regard humain puisse contempler sur la terre : je jetai un cri involontaire, et j’oubliai le golfe de Naples et tous ses enchantements. Comparer quelque chose à ce magnifique et gracieux ensemble, c’est injurier la création.

Les murailles qui supportent les terrasses circulaires des immenses jardins du grand sérail étaient à quelques pas de nous, à notre gauche, séparées de la mer par un étroit trottoir en dalles de pierre que le flot lave sans cesse, et où le courant perpétuel du Bosphore forme de petites vagues murmurantes et bleues comme les eaux du Rhône à Genève : ces terrasses, qui s’élèvent en pentes insensibles jusqu’au palais du sultan, dont on aperçoit les dômes dorés à travers les cimes gigantesques des platanes et des cyprès, sont elles-mêmes plantées de cyprès et de platanes énormes, dont les troncs dominent les murs, et dont les rameaux, débordant des jardins, pendent sur la mer en nappes de feuillage et ombragent les caïques ; les rameurs s’arrêtaient de temps en temps à leur ombre ; de distance en distance, ces groupes d’arbres sont interrompus par des palais, des pavillons, des kiosques, des portes sculptées et dorées ouvrant sur la mer, ou des batteries de canons de cuivre et de bronze, de formes bizarres et antiques. Les fenêtres grillées de ces palais maritimes, qui font partie du sérail, donnent sur les flots, et l’on voit, à travers les persiennes, étinceler les lustres et les dorures des plafonds des appartements ; à chaque pas aussi, d’élégantes fontaines moresques, incrustées dans les murs du sérail, tombent du haut des jardins, et murmurent dans des conques de marbre, pour désaltérer les passants ; quelques soldats turcs sont couchés auprès de ces sources, et des