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24 mai 1833.


Je me suis entouré de journaux et de brochures venus d’Europe récemment, et que l’obligeance des ambassadeurs de France et d’Autriche me prodigue. Après avoir lu tout le jour, je me confirme dans les idées que j’avais emportées d’Europe. Je vois que les faits marchent tout à fait dans le sens des prévisions politiques que l’analogie historique et philosophique permet d’assigner à la route des choses, dans ce beau siècle. La France émue s’apaise ; l’Europe inquiète, mais timide, regarde avec jalousie et haine, mais n’ose empêcher ; elle sent par instinct (et cet instinct est prophétique) qu’elle perdrait peut-être l’équilibre en faisant un mouvement. Je n’ai jamais cru à la guerre par suite de la révolution de Juillet ; il eût fallu que la France fût livrée à des conseils insensés pour attaquer ; et la France n’attaquant pas, l’Europe ne pouvait venir se jeter, de gaieté de cœur, dans un foyer révolutionnaire où l’on se brûle, même en voulant l’étouffer. Le gouvernement de Juillet aura bien mérité de la France et de l’Europe par ce seul fait d’avoir contenu l’ardeur impatiente et aveugle de l’esprit belliqueux en France, après les trois journées. L’Europe et la France étaient également perdues. Nous n’avions point d’armées, point d’esprit public, car il n’y en a point sans unanimité ; la guerre étrangère eût entraîné immédiatement la guerre civile au midi et à l’ouest de la France, la persécution et la spoliation partout. Nul gouvernement n’eût pu tenir à Paris