Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/433

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Péra et Galata se rapprochent insensiblement, et ne laissent qu’un bras de mer étroit entre leurs rives ; à gauche, s’étend le faubourg d’Eyoub avec sa mosquée, où les sultans, à leur avénement au trône, vont ceindre le sabre de Mahomet ; sacre de sang, consécration de la force, religion du despotisme musulman. Cette mosquée pyramide gracieusement au-dessus des maisons peintes du faubourg, et la cime de ses minarets va se confondre à l’horizon avec les hautes murailles grecques ruinées de Constantinople. Au bord du canal, un beau palais des sultanes s’étend le long des flots. Les fenêtres sont au niveau de l’eau ; les cimes larges et touffues des arbres du jardin dominent le toit et se réfléchissent dans la mer. Au delà, la mer n’est plus qu’un fleuve qui passe entre deux pelouses. Des collines, des jardins et des bois couvrent ces belles croupes. Quelques pasteurs bulgares y jouent de la musette, assis sur les rochers, en gardant des troupeaux de chevaux et de chèvres. Enfin, le fleuve n’est plus qu’un ruisseau dont les rames des caïques touchent les deux bords, et où les racines d’ormes superbes, croissant sur les bords, embarrassent la navigation. Une vaste prairie, ombragée de groupes de platanes, s’étend à droite ; à gauche, montent les croupes boisées et verdoyantes ; au fond, le regard se perd entre les colonnades vertes et irrégulières des arbres qui ombragent le ruisseau et serpentent avec lui. Ainsi finit le beau port de Constantinople, ainsi finit la vaste, belle et orageuse Méditerranée. Vous échouez dans une anse ombragée, au fond d’un golfe de verdure, sur un banc de gazon et de fleurs, loin du bruit et du mouvement de la mer et de la ville. Oh ! qu’une vie d’homme qui finirait ainsi finirait bien ! Dieu donne une telle fin à la vie de mes amis, qui s’agitent et brillent aujourd’hui