Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/455

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sent subsister ce monument ! Il apprendra à leurs enfants ce que vaut l’indépendance d’un peuple, en leur montrant à quel prix leurs pères l’ont payée.

Nissa ressemble à Sophia et n’a aucun caractère. — Nous y passons un jour. — Après Nissa, on entre dans les belles montagnes et dans l’océan des forêts de la Servie. Ces forêts vierges s’étendent partout autant que l’horizon, laissant serpenter seulement une large route, récemment tracée par le prince Milosch, chef indépendant de la Servie. Pendant six jours nous nous enfonçons dans ces magnifiques et perpétuels ombrages, n’ayant d’autre spectacle que les colonnades sans fin des troncs énormes et élevés des hêtres, les vagues de feuillages balancées par les vents, les avenues de collines et de montagnes uniformément vêtues de leurs chênes séculaires.

Seulement de distance en distance, environ toutes les cinq à six lieues, en descendant dans un vallon un peu plus large et où serpente une rivière, de grands villages en bois avec quelques jolies maisons blanches et neuves qui commencent à sortir des forêts : une petite église et un presbytère s’étendent le long d’une jolie rivière, au milieu de prairies et de champs de melons. Les habitants, assis sur des divans de bois devant leurs boutiques, travaillent à différents métiers ; leur physionomie, quoique douce et bienveillante, a quelque chose de septentrional, d’énergique, de fier, qui rappelle tout de suite à l’œil un peuple déjà libre, digne de l’être tout à fait. Partout on nous accueille avec hospitalité et respect ; on nous prépare la maison la plus apparente du village ; le curé vient s’entretenir avec nous. On