Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/459

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec le prince, qui me paraît un homme aussi instruit qu’affable et bon ; je salue en lui et dans sa noble nation l’espoir prochain d’une civilisation indépendante, et je pose enfin le pied dans la barque, qui nous transporte à Semlin. — Le trajet est d’une heure ; le fleuve, large et profond, a des vagues comme la mer. On longe ensuite les prairies et les vergers qui entourent Semlin.

Le 3 au soir, entré au lazaret, où nous devons rester dix jours. Chacun de nous a une cellule et une petite cour plantée d’arbres. Je congédie mes Tartares, mes moukres, mes drogmans, qui retournent à Constantinople : tous nous baisent la main avec tristesse, et je ne puis quitter moi-même sans attendrissement et sans reconnaissance ces hommes simples et droits, ces fidèles et généreux serviteurs qui m’ont guidé, servi, gardé, soigné comme des frères feraient pour un frère, et qui m’ont prouvé, pendant les innombrables vicissitudes de dix-huit mois de voyages dans la terre étrangère, que toutes les religions avaient leur divine morale, toutes les civilisations leur vertu, et tous les hommes le sentiment du juste, du bien et du beau, gravé en différents caractères dans leur cœur par la main de Dieu.